Les Super-Héros: une histoire d'héritage (Partie I)

 

Dans les pas de Moïse

 

 

              Souvent considéré comme un dieu à part entière en raison de ses pouvoirs extraordinaires, le Dernier Fils de Krypton revêt pourtant d’avantage une dimension prophétique et messianique que divine.
Tout d’abord, on le présente très régulièrement comme une guide pour le peuple, un élu qui doit inspirer les hommes à donner le meilleur d’eux mêmes. En cela, il est une allégorie de Moïse, le premier prophète du Judaïsme. Tel Moïse guidant le peuple hébreu à travers le désert, Kal-El guide le peuple de la Terre à travers les difficultés et l’encourage, par l’exemple, à devenir meilleur. On peut d’ailleurs entendre Jor-El dans le film  Man Of Steel s’adresser à son fils : « They will race behind you, they will stumble, they will fall. But in time, they will join you in the sun. In time, you will help them accomplish wonders». Cela dénote avec pertinence la dimension de guide, intrinsèque au personnage de Superman, le peuple marchant dans ces pas, chutant, mais se relevant, dans la lumière de son exemple.
Au delà de son aspect de guide, il partage avec Moïse un exil involontaire. En effet, alors que Pharaon souhaite la mort de tous les nouveaux nés du sexe masculin, sa mère Jocabed le cache puis l'abandonne sur le Nil, dans une corbeille afin que celui-ci puisse vivre. Il sera finalement recueilli par la fille de Pharaon. De son côté, Superman nait sur Krypton dans une période instable. Peu après sa naissance, alors que la planète est condamnée à la destruction, les parents du petit Kal-El le placent dans une vaisseau et l'envoient à travers l'espace, sur Terre, pour que celui-ci, comme Moïse, puisse vivre.
D’ailleurs, le nom d’origine de Superman, à savoir Kal-El, est d’origine hébraïque et peut être interprété comme « voix de Dieu » ou encore « chevalier de Dieu ». Ses créateurs, Jerry Siegel et Joe Shuster étant deux fils d'immigrés juifs, on comprend mieux les influences judaïques qui ont bercé le personnage lors de sa création.
Et d'ailleurs, Lex Luthor ne serait-il pas le reflet de Ramsès II qui, tout comme le premier n'a de cesse de mettre son adversaire à l'épreuve ? Car pareillement à Lex Luthor, Ramsès II méprise le commun des mortels (en particulier les Hébreux), mais c'est bien Moïse qu'il souhaite détruire en faisant souffrir son peuple. De la même manière, Lex Luthor fait souffrir les habitants de Métropolis en testant Superman avec toujours plus de haine et d'ambition. Peut-être l'aspect chauve des deux personnages n'est-il pas une coïncidence, et que la corélation entre Superman et Moïse s'étend également à leurs "nemesis" respectifs ...
(Anecdote: Les personnages de Ramsès II dans le film d'animation Le Prince d'Egypte et de Superman dans la série animée Superman: l'Ange de Métropolis sont tous deux doublés en français par le comédien Emmanuel Jacomy)




















De plus, l’Ange de Métropolis est explicitement comparé à Jésus Christ dans le film de Bryan Singer Superman Returns de 2006 : «They can be a great people, Kal-El, they wish to be. They only lack the light to show the way. For this reason above all, their capacity for good, I have sent them you ... my only son». Ainsi, tel Dieu envoyant son “fils” unique Jésus guider le peuple de la Terre, Jor-El envoie le sien, accomplir la même mission. 
 

Par ailleurs, il est généralement mis en scène en contre jour d’un halo de lumière, voire du Soleil lui-même. C’est le cas sur l’arc « For Tomorrow » de Brian Azzarello et Jim Lee, dans lequel ce dernier le représente à de multiples reprises face à un prêtre, en contre-plongée ou dans un contre jour laissant apparaître une croix en arrière plan. Dès lors, un parallèle avec le Messie de la religion Chrétienne est inéluctable. Et bien que les créateurs de l’Homme d’Acier étaient deux adolescents juifs, il est indéniable que l’inspiration puisse venir entre autre du Fils de Dieu.


Les interprétations de ce personnage peuvent être multiples. Comme le souligne Loïs Lane dans Man of Steel: « For some, he was a guardian angel, for others, a ghost who never quite fit in ».

Il est dans cet article fait mention de l’influence indéniable de Moïse et de Jésus. Cependant, de nombreuses autres lectures sont possibles. Ainsi, Superman peut tout aussi bien figurer, sous sa forme civile, Zeus sous forme humaine aidant ponctuellement les humains. D'autres peuvent voir en lui, comme ce fut développé dans un article précédent, l’individu ayant subi la chute décrite chez Platon et tentant de fuir la caverne. D'autres encore pourraient y lire un Chevalier moderne comme en attestent sa cape majestueuse et son blason symboliquement porté sur le torse. Et pourquoi pas un ange ? Comme le laisse sous entendre le titre français de Superman: the animated series traduit par Superman: l'Ange de Métropolis.

 

 

 

Personnage précurseur, aussi bien d'un genre littéraire (le comics de Super-Héros) que d'une action, Superman est un prophète dans l'édition
et dans ses aventures.

"A genius in intellect, a Hercules in strength, a nemesis to all wrong doers, The Superman !"






PS: Je vous recommande vivement l'écoute du morceau "Trials" issu de la bande originale de Smallville, composée par Louis Frebre. Avec le thème mythique de John Williams, ce morceau est pour moi la meilleure création musicale que le personnage se soit vu offrir. Vous le trouverez dans la playlist Deezer présente dans la colonne de droite. 

 

 

Q

Les Super-Héros, une histoire d'héritage (Partie II)

 

La cape, le masque et la pipe

 

 

                    On sait que les parents de Bruce Wayne alias Batman sont les illustres philanthropes de Gotham City, Thomas et Martha Wayne. Mais ce que l’on sait moins, c’est que plus tôt dans son arbre généalogique, l’homme chauve-souris compte également Dracula, mais aussi Sherlock Holmes ainsi que Zorro. 

 

 

                En effet, il semblerait que dans ses grandes lignes, le personnage de Batman soit un melting-pot de la littérature populaire du XVIIIe et du début du XIXe siècle. De l’aveu de ses créateurs, Bob Kane et Bill Finger, la principale influence qui conduisit à la création du Chevalier Noir fut le film Le Signe de Zorro avec Douglas Fairbanks dans le rôle titre : « Quand je me suis rappelé Zorro, pataud la journée et vengeur masqué le soir, cet homme qui sortait d’une cave, sur son cheval noir, j’ai eu l’idée de Batman, de la Batcave, de la Batmobile et du masque ». De plus, tel Zoro marquant d'un Z les lieux de ses péripéties, Batman orne le ciel de son majestueux bat-signal, à la fois symbole de protection sur la cité de Gotham et appel d'urgence lorsque le Commissaire Gordon le juge nécessaire.

 

Aujourd’hui encore, cet héritage est connu des artistes et revendiqué. D’ailleurs, l’auteur écossais Grant Morrison rend hommage aux origines du Caped Crusader sur son run The Return of Bruce Wayne durant lequel Bruce Wayne, perdu dans le temps après Final Crisis se retrouve incarné à différentes époques de l’Histoire. 

 

 

L’une d’entre elles est le Wild West du début du XIXe siècle. On peut alors y voir Bruce Wayne, camper un chapeau noir et vêtu d’un ensemble semblant tout droit sorti de la garde robe de Zorro, chevaucher un destrier noir. 

La ressemblance est indéniable, et l'héritage incontestable. Bien que Batman agisse au XXe siècle (lors de sa création), Grant Morrison rappelle une nouvelle fois les véritables origines du personnage en l'immortalisant ici dans une pose emblématique, celle du cavalier surgissant hors de la nuit, Zorro. 

 

 

 

 

 

                 Mais Zorro ne constitue pas la seule source d’inspiration ayant contribuée à la création du Chevalier Noir. En ce qui concerne Dracula, célèbre personnage littéraire de la fin du XVIIIe siècle, porté à plusieurs reprises à l’écran, Batman semble hériter de lui sa part gothique/chauve-souris de laquelle il tire son nom et son activité exclusivement nocturne. Cependant, hormis ces deux aspects ainsi que la cape commune aux deux personnages (mais que Batman hérite de Zorro), les points communs paraissent s’arrêter ici. A moins que Bruce Wayne ne dorme dans un cercueil et ne prenne des cuites au sang, les ponts me paraissent minces entre le célèbre vampire et l’homme chauve-souris. Il existe toute fois une rencontre anecdotique des deux personnages dans le film animé Batman VS Dracula.



             Enfin, le dernier mais pas le moindre, une influence majeure sur l'homme chauve-souris, le plus grand détective du monde (premier du nom), j’ai nommé Sherlock Holmes.
Effectivement, Batman apparaît pour la première fois dans Detective Comics #27 en 1939, soulignant ainsi, même sans lien pertinent au premier abord, la dimension policière du personnage. Bien sûr, rien dans l’apparence physique de l’homme chauve-souris ne laisse transparaitre un quelconque héritage du style vestimentaire du détective de Sir Conan Doyle, mais cependant, quelques gadgets ornent la ceinture du Chevalier Noir, à qui l’on attribue très rapidement le titre de « plus grand détective du monde », détenu jusque là par Sherlock Holmes. 

 

 

De plus, comme Sherlock, Batman fait toujours appel à sa très large connaissance dans de nombreux domaines et à la puissance de la déduction pour résoudre différentes affaires, et maitrise, tel son aïeul, plusieurs styles de boxes et d’arts martiaux. D’ailleurs, nombreuses sont les référence à cet héritage puisqu’à maintes reprises, les deux détectives furent représentés ensemble dans divers pastiches et parodies mettant en jeu les talents des deux figures, mais également dans des numéros spéciaux. Pour le Cinquantième anniversaire de DC Comics, les deux hommes se rencontrent dans les pages du numéro 572 de Detective Comics qui contient une histoire inédite d'Holmes ainsi qu'une aventure en duo partagée par les deux figures devant résoudre l'affaire du "Doomsday Book".

 

Par ailleurs, les deux hommes se rencontrèrent antérieurement à ce récit puisqu'une apparition de Sherlock Holmes est réalisée dans un numéro de l'âge d'or de Detective Comics.

 




Personnage aux influences multiples, Batman n'est cependant pas une simple relecture des figures desquelles il découle. Il est avant tout une création originale et un personnage à part entière dont la lignée s'inscrit dans celle d'autres figures mythiques de la littérature populaire.

 

 

 

 

Q

Les Super-Héros: une histoire d'héritage (Partie III)



                     Tout comme beaucoup d'autres Super-Héros, Spider-Man doit une de ces origines à une figure héroïque qui lui est antérieure, dans son cas en la personne de l'homme-singe: Tarzan. 
Tous deux orphelins, souverains de leur royaume respectif, ils partagent un territoire commun : la jungle. Végétale pour l’un, urbaine pour l’autre, la nature de celle-ci a beau différer, Tarzan et Spider-Man n'en demeurent pas moins les Rois.
D'ailleurs, leur mode de déplacement au sein de ce royaume les distingue et leur confère la singularité d'un Être supérieur. Ni cheval, ni voiture, ni vélo, ni transports en commun, mais des lianes, des arbres, des toiles et des buildings. 
D’une jungle à l’autre, les lois sont les mêmes, et les moyens de se déplacer rapidement semblent limités. En cela, l'homme-singe et l'homme-araignée partagent donc déjà un point commun, le trafic sensible de la jungle et leur façon de l’appréhender. Ainsi, le balancement et l'escalade semblent être les modes de déplacement les mieux adaptés et les plus efficaces pour la jungle, naturelle ou urbaine. 
Prolongement naturel de la jungle pour Tarzan, les lianes de Spider-Man sont le fruit de sa création puisqu’il en est à l’origine. Là où le premier semble prisonnier de cet environnement duquel il parvient tout de même à tirer profit, le second concilie « emprisonnement » et création de son environnement. 
Ainsi, bien que les structures nécessaires à son déplacement soient figées et immuables au même titre que les arbres qui permettent à Tarzan son déplacement si particulier, Spider-Man a le choix d’agencer ses toiles de la façon qu’il souhaite, donnant une perspective sans limites à son déplacement.
Et même si les affiliations entre ces deux personnages ne sont pas ouvertement revendiquées, il est incontestable qu’il existe de nombreuses similitudes et influences (in)volontaires de l’un à l’autre.
 
En outre, la jungle New-Yorkaise sur laquelle règne l'alter-ego de Peter Parker possède, tout comme celle de Tarzan, ces prédateurs et sa hiérarchie au sein d'une chaîne de survie bien ordonnée. Les chasseurs cèdent leur place aux caïds, les fauves se substituent aux agresseurs divers. 
Par ailleurs, on retrouve une autre similarité entre les deux personnages, leur cri. Emblème de victoire chez Tarzan ou cri dû à l’adrénaline des balancements vertigineux chez Spider-Man, les deux s’élèvent au dessus de leur royaume respectif comme un symbole de domination sur leur territoire, chacun Maître de son environnement.


Explicitement inspiré de l'homme-singe, Spider-Man représente le Tarzan moderne et urbain. Il partage avec lui son cri de victoire ainsi que son déplacement. Cependant, il s'émancipe de son modèle par sa double identité et son statut. Là où Tarzan se contente de protéger sa "famille", l'alter-ego de Peter Parker veille sur sa cité entière: New-York.