Héros et Super-Héros, quels rapports de Force ?

               

           La figure du Héros dans la tradition Gréco-Romaine connait plusieurs itérations. Chez Homère, il est un individu présentant un courage et un mérite exceptionnel, favoris des Dieux. On citera Ulysse et Achille qui sont les plus connus. Chez Hésiode, il est le résultat de l'union entre un Dieu (ou une Déesse) et une mortelle (ou un mortel). Dans les deux cas, le Héros est un Élu. 
Les Super-Héros sont donc par nature des Héros. Présentant des pouvoirs surnaturels, presque divins, ou des capacités physique et morales hors du commun, ils illustrent les deux conceptions du Héros.
Mais pourquoi préférer ceux aux super-pouvoirs à leurs homologues mortels ou mythologiques dont les aventures nous sont contées depuis des millénaires ? La réponse à cette question est bien évidemment subjective et propre à chacun, elle n'engage ici que mon point de vue personnel, libre à quiconque de ne pas partager cette opinion et de la débattre.

Cette question semble légitime, car si les Super-Héros sont les héritiers de nombre de personnages historiques et personnalités, pourquoi leur portons nous souvent plus d'attention (sûrement à tord) qu'à leurs modèles ?
Tout d'abord parce que ces chevaliers volants (ou non) se présentent à nous en tant que divertissement dans un premier temps. Personnages principaux des comics éponymes, ils nous divertissent et nous font rêver grâce à leurs aventures.
De plus, ils demeurent temporellement plus proches de nous que leur modèles ne le sont. En effet, les Super-Héros évoluent avec leur lectorat au fil des décennies et se font les échos des préoccupations et problèmes contemporains, et bien que les nombreux mythes et légendes dont ils s'inspirent puissent être constamment réinterprétés et modernisés, on ne saurait reprocher aux amateurs de Super-Héros de s'identifier avec plus de facilité à des personnages contemporains plus qu'à des modèles antiques.

Cependant, il existe certains personnages s'inspirant de personnalités actuelles à leur époque et pouvant pour certains être considérés comme des Héros telles que Martin Luther King ou Franklin Delano Roosevelt comme cités dans l'article précédent.
Si vous êtes un fan inconditionnel, il ne vous aura pas échappé que les homologues de MLK et M.X dans les comics ne sont autres que le Professeur X et Magneto, l'un luttant pour l'intégration pacifique des mutants au sein de la société, l'autre souhaitant créer un État de mutants (l'île Genosha après que les Nations Unies lui cèdent celle-ci pour son projet de nation mutante).

Toutefois, il existe quelques exceptions dans le cadre de certains romans graphiques ou de courtes séries. C'est le cas par exemple de l’œuvre de Steve Moore, portée sur Hercule (The Thracians Wars puis The Knives of Kush) parue chez Radical Comics. Il s'agit bien ici d'un comics, dont le but est de retranscrire la légende d'Hercule telle qu'elle pouvait l'être par la tradition orale, de "restituer l’atmosphère qui baigne ces récits héroïques, ou pas si héroïques", et en respectant les différentes sources historiques sur lesquelles l'auteur s'est reposé. Ces deux albums représentent un compromis entre le comics "fictif" de Super-Héros, et un récit mythologique soucieux de sa justesse "historique".


Par ailleurs, tandis que les supports de représentation visuelle des Héros antiques consistent en sculptures, peinture, poteries et autres statues, il est un aspect dans l'histoire des Super-Héros qui n'existe par chez leurs modèles et prédécesseurs. Il s'agit de leur support de publication: les comics, publiés de façon mensuelle. Fortement imprégnés dans la culture populaire américaine, ceux-ci permettent de les immortaliser dans des postures au fort pouvoir évocateur grâce à un dessin relevant parfois du génie et donnant tout leur sens à ces Héros modernes.
Enfin, pourquoi bouder le fun quand on peut joindre l'utile à l'agréable et voir des personnages fictifs dotés de super-pouvoirs ou de super-gadgets botter quelques paires de fesses ?




Il convient toutefois de souligner et de ne pas oublier que sans les Héros antiques et contemporains, réels (tel que Gandhi) ou fictifs (comme Ulysse ou Hercule), nos Super-Héros ne seraient sûrement pas grand chose.





 Inutile de rappeler l'influence plus qu'évidente du célèbre Justicier de Sherwood, Robin des Bois, sur Green Arrow ou encore Hawkeye







Q

Un Homme, un Alter Ego


              
                Derrière chaque Super-Héros se cache un concept simple mais qui constitue maintenant un des aspects classiques de celui-ci: la double identité.
Il existe en effet l'homme derrière le masque (ou le costume), et le Symbole.

Loin d'être à l'origine de ce "concept", les Super-Héros l'empruntent à d'autres personnages avant eux.
Mais contrairement au fameux Docteur Jekyll qui cherche tant bien que mal à éradiquer sa part obscure le Mister Hyde, le Super-Héros lui, crée volontairement une dualité qu'il soigne et entretien pour le bien de son entourage. Ainsi on assiste à la naissance de l'homme en civil, et de l'homme en costume.

Par ailleurs, on peut également observer une autre forme de dualité entre le Super-Héros et le nemesis qu'il affronte sans relâche. Il est bien connu que la valeur d'un héros n'est sublimée que par le potentiel de ses adversaires. Et c'est en jouant sur la symbolique du héros et du vilain que les auteurs donnent aux Super-Héros un tel intérêt. Hormis le grand spectacle qu'il proposent au travers de l'action, ils offrent une lecture peu exploitée du héros et du vilain, les associant à deux faces d'un même être. Ils offrent donc une double perspective de dualité chez ses personnages qui gagnent alors en profondeur. Tout d'abord la dualité entre l'homme et l'alter-ego: lequel des deux représente l'être en lui-même ? Le masque est-il l'homme en costume ou l'homme en civil ? Que permettent le costume et le statut que ne permet pas l’anonymat ? Le (Super)-Héros naît il donc en tant qu'homme lambda ou sa nature héroïque est elle ce qui le caractérise de manière ontologique ? En effet, comme ce fut développé dans le roman graphique Superman Birthright mais aussi dans la série Smallville, le camouflage de Superman n'est pas son costume, puisque celui-ci joue le rôle de symbole, mais bel et bien son alter ego civil, Clark Kent. C'est cet aspect de sa personnalité que le personnage travaille afin de le rendre invisible aux yeux de tous.
Et enfin la dualité entre le Héros et le vilain: sont ils dissociables ? Sont ils deux êtres indépendants ayant chacun leur propre destinée ou bien représentent ils le yin et le yang dans toute leur symbolique d'un même être, tragiquement voués au même destin ? Tels l'homme et la femme, l'un peut il exister sans l'autre, peut il réaliser son véritable potentiel sans la présence de l'autre ?
C'est donc une tentative de relecture moderne de la nature de l'homme qui est effectuée par les différents artistes.
 
A chaque époque ses figures, et l'une des figures modernes du héros grec névrosé doublé d'un chevalier défenseur de la veuve et de l'orphelin pourrait bien résider en ces personnages fantastiques.



 



Une fois Clark Kent effacé, l'Homme apparaît, le symbole naît


 










Q

Superman: l'évadé de la Caverne ?


            Peut être que certains trouveront cela un peu gros, ou que les comparaisons vont trop loin. Peut être ces différents articles répondent ils à un désir personnel de trouver chez les Super-Héros des origines encore plus grandes qu'eux. Toujours est il que cet article a pour but d'exposer mon interprétation de ce personnage qu'est Superman. Naturellement, libre à quiconque de ne pas la partager. Le parallèle avec Moïse et Jésus fait plus haut relève de l'héritage du personnage. Le but de l'article présent est plutôt de se pencher sur ce que celui-ci, ou plutôt le schéma de la vie du Dernier Fils de Krypton, représente.

              Un fort parallèle peut être observé entre l'Allégorie de la Caverne de Platon et le schéma que suit la vie de Superman. Sauf erreur de ma part, il est à noter que, tel l'homme qui a chuté pour Platon, Superman "tombe" sur Terre depuis sa planète native, Krypton, qu'il n'aura alors de cesse de rechercher durant sa vie. En somme, Krypton représente pour lui son Monde Intelligible pour reprendre "l'expression" de Platon, son monde originel qu'il cherche à rejoindre. Car bien que Superman soit un Super-Héros, il est avant tout un homme, et est par conséquent en quête de réponses aux questions existentielles universelles: pourquoi est il ici ? Quel est son rôle ? Que doit il accomplir ?
(Au passage, il est intéressant de remarquer que l'on peut dès lors établir un parallèle avec un héros de la Grèce antique, mis en lumière par Homère: Ulysse, dont l'Odyssée pour retrouver Ithaque son île native ainsi que sa femme et son fils revêtent la forme d'une quête). 
La Terre quand à elle, représente le monde sensible, le monde duquel il doit parvenir à s’affranchir pour devenir plus qu'un homme.
Nous avons donc dès lors une chute, une dualité des mondes, et un idéal perdu que la quête personnelle permettra de retrouver.

Par ailleurs, l'homme prisonnier de la Caverne de Platon est enchainé, tout comme l'homme est enchainé par des lois physiques et morales. L'affranchissement de ses lois est un symbole de renaissance. L'homme devient un Homme. En effet, quoi de plus évocateur comme que le pouvoir de voler pour évoquer l'élévation de l'esprit et l'affranchissement des chaines matérielles par l'homme ?


De plus, malgré diverses tentatives d'ascension vers la lumière à la sortie de la caverne, l'homme échoue, même lorsque celui-ci parvient au dehors, mais est aveuglé par cette soudaine luminosité, telle une vérité éclatante qu'il n'est pas apte à concevoir et ayant donc pour conséquence de l'aveugler et le décourager. S'il persiste dans sa quête, il y parviendra. Il pourra retrouver son monde originel. Superman représente donc la réussite de cette initiative, l'évasion de la Caverne pour rejoindre un monde, ou du moins un état originel.


Cependant, il n'est pas propre à Superman d'être un évadé de la caverne, nombre de Héros avant lui y sont parvenus, en témoigne Borgès: «Tous les hommes au cours des âges n'ont raconté que deux histoires: celle d'un navire perdu qui veut, à travers les flots méditerranéens, retrouver son île bien aimée, et celle d'un dieu crucifié sur le Golgotha».
Mais c'est une nouvelle fois sur les Super-Héros que l'on se penche ici.






Up, up and away ! 

L'homme s'émancipe de ses chaînes et s'envole vers le soleil












Q
 

Kick Ass le Bad Ass !

        
          Au lieu d'une petite réflexion sur nos amis en collants, cet article se concentre cette fois sur un ados comme les autres, pas comme les autres: Dave Lizewski.

      Plutôt admirateur de l'archétype du Super-Héros que lecteur hardcore de comics, j'étais passé à côté de cette superbe œuvre que l'on doit à Mark Millar et John Romita Jr. Dans une tentative de rectifier le tire sur ma connaissance quelque peu défectueuse des comics (bien qu'étant plus que familier avec de nombreux personnages et leurs histoires), je me procure depuis peu quelques albums et graphic-novels qui attirent mon attention.
Et c'est en lorgnant sur les étagères de comics d'un grand magasin que je suis tombé sur les deux albums qui constituent Kick-Ass premier du nom. Bien sûr j'avais d'abord été un des très nombreux spectateurs du film de Matthew Vaughn que j'avais grandement apprécié.
Mais quelle surprise lorsque je découvre la fameuse œuvre originale ! Quel style narratif et visuel, et surtout quelles balls d'assumer un récit pareil ! Dès les premières pages centrées sur l'arménien au mental défectueux, le style est là. Le constat de Dave en "voix-off" sur le fait que personne n'ai jamais tenté de devenir un super héros malgré l'effervescence médiatique qu'on leur porte est tellement juste. Et c'est là que Kick-Ass prend toute son ampleur, en faisant évoluer son personnage principal dans le monde réel, en faisant de Dave l'adolescent rêveur de tous les jours. Quelle difficulté de ne pas s'identifier immédiatement au personnage. Si en plus comme moi vous êtes blond et que vous regardez effectivement Heroes et Scrubs ;)  

Le dessin quant à lui est une oeuvre à lui seul. Sa violence n'a d'égal que ça richesse en couleurs et chaque case est un véritable plaisir à regarder, principalement les séquences violentes où Romita Jr livre une superbe prestation. Les cases en contre jour sont sublimes et les gros plans ont été particulièrement soignés.


Et comment passer à côté des noms des différents personnages, tellement originaux. Pas un seul man ou boy mais de vrais noms bad ass ! Hit Girl, Big Daddy, Kick Ass, Red Mist ...

En tant que mauvais critique, ma description de cette œuvre est un peu floue et mes mots quelque peu pauvres et vagues, mais l'admiration et le plaisir sont là !
Aux rares lecteurs qui auraient vu le film sans lire le comics, je le recommande à tout prix.




Q


There's a new Sherrif in Town: le Super-Héros et la Loi


        Bien que ceux-ci soient admirés, respectés et idolâtrés, les Super-Héros n'en sont pas moins crains et redoutés. Donc plutôt que de se concentrer sur la nature de ces personnages, l'article qui suit se focalisera sur la portée juridique de ceux-ci.

         Malgré les valeurs libérales de ces hommes et femmes à capes et collants et le fait que leur action vise en général le bien du plus grand nombre, celle-ci n'existe pourtant qu'à l'extérieur du cadre juridique. En effet, leur statut est traduit en anglais par le terme vigilante se résumant à une personne ou un groupe rendant justice lui-même sans l'appuie et en dehors du système juridique. En d'autres mots, les Super-Héros n'ont aucune légitimité juridique ni légalité pour exercer leur activité. Ils sont donc, bien que cela puisse sembler paradoxal, des hors la loi.

C'est d'ailleurs un aspect souvent traité au cinéma dans les films super héroïques récents. En effet, aussi bien la presse que les forces de l'ordre tendent à craindre ces personnages urbains et à mettre en garde la population envers ces figures dont les motivations peuvent être incomprises et mal perçues au premier abord (disposant des pouvoirs ou capacités dont ils disposent, il est donc légitime de s’interroger sur les raisons qui motivent ses héros à les utiliser dans l'intérêt d'autrui); en témoignent la récente trilogie de Christopher Nolan pour Batman, le pouvoir de la presse dans les films de Sam Raimi pour Spider-Man, notamment Jonah Jameson le rédacteur en chef du Daily Bugle qui n'hésite pas à user de son pouvoir pour nuire au héros et monter la population contre lui, ou encore la figure policière représentée par le capitaine George Stacey dans le très récent Amazing Spiderman.


Pourquoi sortir du système pour pratiquer l'auto-justice ?

La première explication sur ce qui semble motiver les actions de ces personnages est qu'ils estiment le système juridique insuffisant ou inefficace, comme c'est le cas dans la récente série Arrow, mettant en scène Oliver Queen aka Green Arrow le célèbre archer de DC Comics. Motivé par des raisons personnelles et souhaitant éliminer le "mal" à sa racine tout en étant alerté de la corruption inhérente au milieu économique et politique, le personnage décide de rendre justice lui même, en endossant l'arc et la capuche.
Un second élément de réponse peut être l'aspect plus personnel de l'action des Super-Héros au sein de la population. En effet, celle-ci peut se sentir délaissée par des politiques trop éloignées de leur réalité et de leurs problèmes quotidiens. On a souvent cité dans le but de moquer, Superman faisant descendre un chaton coincé dans un arbre. Mais au delà de l'aspect niais de cette scène, ce geste est le symbole de la dimension personnelle de l'aide apportée aux citoyens.
Le reproche qui leur est donc souvent fait et est le motif de leurs chassés croisés avec les forces de l'ordre est d'être au dessus de la loi et d'échapper à celle-ci.

Cependant, bien que ses figures aient souvent dans un premier temps du mal à se faire accepter par la population et à gagner sa confiance et celle des organes juridiques et politiques de la ville, les Super-Héros finissent par devenir un élément à part entière dans l'équilibre urbain.





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Les Super-Héros: Histoire de l'Amérique ou Histoire de l'Humanité ?


          Il a souvent été fait mention dans les articles précédents de la portée symbolique des Super-Héros, entre hommes et Dieux, ou comme symbole de l'Homme accompli. Mais il semble légitime, en raison de leurs divers héritages, notamment historiques et éditoriaux, de se demander si avant de représenter une vision accomplie de l'Humanité, les Super-Héros ne sont pas l'allégorie d'une nation, celle qui a vu leur naissance. C'est la question à laquelle cet article tentera de répondre.

Il est donc important dans un premier temps de distinguer plusieurs dimensions présentes chez les Super-Héros. En plus de leur portée littéraire, il est également possible d'étudier l'évolution éditoriale des différents supports qui ont accueilli des héros, tout comme une politique, une économie ou encore une dimension sociale.

Car bien qu'ils héritent des valeurs et mythes anciens universels et en soient des relectures, les Super-Héros sont également les descendants des héros de dime novels puis pulps. En effet, le média qui les voit évoluer depuis plusieurs décennies (le comic book) est lui même héritier de formats antérieurs. 


D'abord des dime novels (littéralement "romans à dix centimes"), œuvres hebdomadaires et présentent des histoires de genre comme le western ou les enquêtes policières, visant un public large et populaire; puis des pulps qui ne tardent pas à supplanter les premiers. Ceux-ci paraissent tous les mois plutôt que chaque semaine et proposent des histoires complètes ainsi que des couvertures et des dessins en couleur. Ces formats sont tous deux constitués de papier bon marché et destinés à une population modeste qui s'ouvre à la lecture grâce à eux.

Bénéficiant donc d'un passé éditorial typiquement américain, les Super-Héros apparaissent dès lors comme une expression exclusivement américaine. En effet, les Super-Héros sont une figure typique des États-Unis où ils sont nés et où ils évoluent depuis plus de 70 ans. Ces personnages à cape et collants défendent les valeurs libérales reconnues par les États-Unis et s'en font les portes paroles à travers le monde. On peut d'ailleurs parler de soft-power en ce qui concerne ces justiciers masqués. Ce qui nous amène à aborder la dimension politique qui existe en eux et qui n'a pas manqué d'être utilisée au cours de leur histoire. 


Tout d'abord, leur apparition dans la littérature populaire (Avril 1938 est souvent utilisé comme repère avec la parution du premier numéro d'Action Comics) coïncide avec une période d'ouverture de la part des États-Unis qui abandonnent peu à peu leur politique isolationniste après la Première Guerre Mondiale.
En effet, souvent représentés devant le drapeau américain tels des statues grecques patriotiques, les Super-Héros sont l'écho d'une politique, celle des États-Unis, et ont à ce titre servis de propagande, notamment durant la Seconde Guerre Mondiale où des comics en masse furent envoyés aux soldats du front. 

 

On peut d'ailleurs y voir, dans de nombreux numéros, les Super-Héros les plus célèbres tels que Superman pour DC Comics ou Captain America pour Marvel, passer un savon aux dirigeants de certains États totalitaires européens. Ce fut le cas dans le premier numéro de Captain America où l'on aperçoit le héros, dès la couverture, accorder un crochet du droit à Hitler. 


Concernant Superman, c'est Adolph Hitler ainsi que Joseph Staline qu'il traine devant la Société des Nations, attrapant le premier par le col.





Aujourd'hui encore à travers leurs aventures sur papier mais aussi, et de manière grandissante, à l'écran, les Super-Héros continuent de transmettre les valeurs, politiques et conceptions américaines.
Mais à la question "Histoire de l'Amérique ou Histoire de l'Humanité ?", il n'existe sûrement pas (au moins pour ma part) de réponse précise. Les Super-Héros, de par leur héritage éditorial et leurs utilisations politiques symbolisent incontestablement l'Histoire de l'Amérique (ou en tout cas des États-Unis), mais ne sont pas pour autant moins évocateurs le l'Histoire de l'Humanité dont ils sont forcément le reflet. Les deux sont indissociables.



Ils représentent "ce que la loi, la morale, ou la timidité nous interdisent de faire tous les jours [...] Les Super-Héros ont encore des choses à nous dire. Écoutons-les" 

 

(cf Super Héros ! de Jean Marc Lainé)






Q


A Tale of the City: le Justicier Masqué et la Ville

 

              Dès leur arrivée sur la scène éditoriale américaine, ils disposent d'un élément inhérent à leur existence et leur activité. Car si les chevaliers avaient leur royaume, que Robin des Bois avait Sherwood, que Zorro avait Los Angeles et ses environs et que Tarzan a la jungle, les Super-Héros ont eux aussi une Terre Sainte, un Eden à protéger: la ville.



Ce milieu urbain les accompagne depuis leurs débuts et constitue chez eux la pierre angulaire de leur action. En effet, nul doute qu'à la campagne, Spider-Man, Batman et autres Super-Héros perdraient en légitimité. (Quoi que ... il existe peut être une autre vie en périphérie urbaine pour les Super-Héros, c'est en tout cas ce que pensait Simon Astier en créant Hero Corp). 
Toujours est-il que l'environnement urbain est la condition sine qua none à l'apparition de Super-Héros. La relation qui lie l'un à l'autre depuis la fin des années 1930 fait d'eux des éléments indissociables dans leur mythologie respective. En effet, que serait Superman sans Metropolis ? Batman sans Gotham City ? Spider-Man et les Avengers sans New York ? Green Arrow sans Star City ? Flash sans Keystone City ? Aquaman sans l'Atlantide ? Etc etc ...
Depuis qu'ils ont envahit l'imaginaire collectif, les Super-Héros n'ont eu de cesse d'évoluer au sein de ces villes et de les parcourir en volant, courant, sautant, se balançant, défiant les lois de la physique au sein de ces ensembles urbains rectilignes, figés et immuables.

Par leur façon de parcourir ces mégalopoles, les Super-héros symbolisent encore une fois le potentiel de l'homme à se défaire des chaines physiques qui l'emprisonnent, mais aussi des barrières morales qui ne lui autorisent pas toujours à sortir de l'anonymat.
De plus, alors que le commun des mortels voyage au sein de ce milieu urbain par les moyens qui lui sont donnés et qu'il est forcé d'emprunter les chemins tracés, les Super-Héros eux font fi de cela et prouvent de nouveau que les barrières physiques ne sont pas immuables. Par leurs déplacements atypiques, ils représentent l'homme s'évadent de sa prison statique, tel l'homme fuyant la caverne.
Dès lors, ils côtoient physiquement les hauteurs de la ville et s'imposent comme vainqueurs de cette prison urbaine dont ils ont su s'émanciper. A la fois domaine d'action et prison, la ville magnifie le Super-Héros et le met en lumière, lui donnant une dimension divine. De par son triomphe sur ces dimensions matérielles et le symbole d'espoir et d'élévation qu'il traduit, le Super-Héros en costume représente donc l'homme au paroxysme de son potentiel: altruisme et inspiration sont alors les maîtres mots décrivant ces individus hors du commun.
 
Cependant, même si les différentes villes (fictives ou non) dont les Super-Héros s'auto-proclamment protecteurs peuvent apparaitre comme des prisons de béton et de verre, celles-ci sont néanmoins indispensables à leur évolution et leur existence. En effet, outre le fait de lui permettre de sortir des rangs en abandonnant l'anonymat civil, la ville entretien une relation étroite avec le Super-Héros. La ville entant qu'ensemble urbain est, dans le cas de Spider-Man par exemple, la clé de voute de son activité puisque c'est cette même ville qui lui permet de s'émanciper de ces propres règles physiques, les divers édifices étant indispensables à l'Homme Araignée pour se déplacer de la façon qu'on lui connait. De même, Superman ou Flash perdraient en évocation s'il volaient et courraient dans un ciel ou une route vide de campagne. Le Ville entant qu'ensemble urbain a donc ce triple rôle paradoxal de prison, d'émancipation et de magnification du Super-Héros.

Le Justicier Masqué est donc par nature une création urbaine dont l'action, l'emprisonnement puis l'émancipation ne peuvent se faire et se traduire que par la présence de la ville dans leur environnement.


D'un éditeur à l'autre, les représentations sont les mêmes. Évadé de la prison urbaine et paradoxalement intrinsèquement lié à celle-ci, le Super-Héros est à la frontière entre l'humain et le divin.





















Q

Entre Porte Parole et Sex Symbol: la Femme dans les Comics

 

            Il a beau être convenu que les comics, et plus particulièrement ceux centrés sur les Super-Héros,  représentent un genre masculin, il est pourtant nécessaire de souligner le fait que les femmes, au même titre que les hommes, ont réellement leur importance dans ce domaine littéraire qui se veut être le reflet de l'évolution sociétale. Et à ce titre, le rôle des femmes, même s'il n'est pas perçu entant que tel, tient une importance toute particulière dans ce domaine littéraire.

 


Malgré le fait que les publications de comics mettent plus régulièrement en avant des hommes que des femmes, celles-ci ne sont peuvent pour autant être considérées comme des faire valoir. La prédominance numérique de l'homme dans les comics s'explique notamment par le fait que le public visé soit avant tout masculin. Les jeunes garçons, adolescents et jeunes adultes constituent la plus grande partie du lectorat de comics, même si de très nombreux adultes s'y adonnent par passion (qui pourrait d'ailleurs leur reprocher ?) ou par loisir. La Grande Dépression des années 1930 qui a touché les États-Unis affecte toujours l'emploi dans les années 1940, et des masses de chômeurs se laissent séduire par la lecture de comics pour passer le temps et en raison de leur prix dérisoire.
Mais historiquement, la femme est présente dans les comics depuis autant de temps que l'homme. En effet, si elle ne revêt pas directement l'aspect d'une Super-Héroïne, la femme dans les comics, sous les traits de Loïs Lane dans un premier temps (apparue pour la première fois en même temps que Superman dans Action Comics #1 en 1938), présente un caractère affirmé ainsi qu'une forte volonté à s'affranchir de l'image de la femme sage et obéissante. S'en suivront ensuite très rapidement de nombreux personnages féminins mondialement connus aujourd'hui tels que Catwoman créée dès 1940 par les mêmes artistes à l'origine de Batman (apparu en 1939), mais surtout Wonder Woman créée par le psychologue William Moulton Marston dès 1941. Après une première apparition dans All-Star Comics en Décembre 1941 puis une seconde  dans Sensation Comics en Janvier 1942, Wonder Woman obtient alors sa propre série régulière durant l'été 1942. Elle est donc, quatre ans seulement après la première apparition de Superman, le premier personnage féminin de l'histoire des comics à obtenir sa propre série. 

De plus, il est à noter qu'outre son statut de premier personnage féminin à obtenir sa propre série, Wonder Woman est créée dans un but particulier. Son créateur, William Moulton Marston est un psychologue et théoricien du Féminisme. La création de Wonder Woman a pour ambition d'améliorer la représentation de la femme et d'aider à la reconnaissance des droits de celle-ci. Il l'explique lui même, «les filles ne voudront pas être des filles tant que nos archétypes féminins manqueront de force, de vigueur et de puissance. Comme elles ne veulent pas être des filles, elles ne veulent pas être tendres, soumises, pacifiques comme le sont les femmes bonnes. Les grandes qualités des femmes ont été méprisées à cause de leur faiblesse. Le remède logique est de créer un personnage féminin avec toute la force de Superman plus l'allure d'une femme bonne et belle». Wonder Woman présente donc toutes les caractéristiques de cette citation. Elle est belle, intelligente, forte, indépendante et fait partie des Amazones, femmes guerrières misandres. De plus, élément ayant son importance pour souligner le crédit accordé aux femmes dans les comics, Wonder Woman a elle aussi servi dans la propagande américaine durant la Seconde Guerre Mondiale, preuve que les femmes aussi sont utilisées pour véhiculer un message politique (bien que propagandiste en l’occurrence) et porter l'image d'un pays à l'étranger.
Alors qu'au Cinéma la femme est, jusque dans les années 1960/1970, cantonnée à des seconds rôles sexistes ou contribuant à l'enfermer dans un stéréotypes d'objet sexuel, Loïs Lane par exemple fut représentée peu ou prou de la même manière, entant que femme indépendante et volontaire, et ce quelque soit l'époque. De plus, elle est la première femme de comics n'étant pas une Super-Héroïne à faire l'objet d'une telle mise en avant.


Il est donc intéressant de souligner le fait que bien que le Cinéma et les comic-books soient tous deux des moyens d'expression artistique très populaires et véhiculant les attitudes et comportements propres à chaque époque, les comic-books ont plus de facilité à s'affranchir des barrières sociales. 
Black Canary créée en 1947 perpétue cette volonté de voir des femmes fortes. La première appartenant d'abord à un gang, puis la seconde, sa fille, maitrisant les arts martiaux (outre son cri super-sonic). L'homme sortant de l'anonymat pour exercer la Justice lui même étant déjà sujet à débat, on peut imaginer que lors de leur première apparition, ces femmes justicières provoquèrent surprise et étonnement, peut être même des contestations de la part d'une gente masculine parfois machiste et conservatrice de la valeur d'autorité de l'homme.

En revanche, même si dès ses débuts dans les comics la femme est représentée comme indépendante et forte, elle n'en demeure pas moins un objet de fantasme et de désir. En effet, rares sont (à ma connaissance) les personnages féminins ne répondant pas aux critères de beauté que l'on connait. Svelte, bien proportionnée et présentant des formes généreuse, les Super-Héroïnes et femmes présentes dans les comics incarnent la femme au physique idéal. Leurs costumes vont d'ailleurs de paire avec leur physique et n'ont pas peur de fortement suggérer ces fameuses formes féminines, participant parfois à leur propre enfermement, tout comme au cinéma, dans un rôle purement physique.

 
Power Girl par exemple, dispose de la plus grosse poitrine de l'histoire des comics. D'ailleurs, les parodies érotiques mettant en scène des Super-Héroïnes ne manquent pas. Un genre cinématographique particulier, le X, vit même l'apparition de films pornographiques avec en "tête d'affiche" ces femmes hors du commun.




Bien sûr, l'apparition de femmes fortes dans les comics n'a pas radicalement changé la donne en ce qui concerne la reconnaissance des femmes et de leurs droits, et ne saurait avoir à elle seule assez de poids pour peser dans la balance et faire la différence. Mais associée aux mouvements féministes des années 1960/1970 et aux diverses évolutions que l'image de la femme connait au fil des décennies, l'apparition de ces femmes constitue un élément culturel important, et une étape non négligeable dans l'amélioration de la représentation de la femme dans les médias de masse et les consciences.

Si les Super-Héros masculins représentent l'archétype de l'homme idéalisé, Loïs Lane, Wonder Woman et autres Super-Héroïnes constituent assurément l'archétype de la femme parfaite.




















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